Dans le cadre du salon Produrable 2022, HAATCH a eu le plaisir d’animer deux conférences intitulées « Définir une stratégie RSE c’est bien. La déployer c’est mieux ! 4 étapes pour embarquer (vraiment) vos équipes » et « Double matérialité : Amplifier votre stratégie RSE en la passant au filtre de vos futurs probables ».

Directrice Sustainability chez Evaneos, Marion Phillips est ainsi intervenue aux côtés de Claire Moison, Chargée de missions en Développement Durable chez Sodebo.

Nous vous proposons de revenir brièvement sur les outils de la matérialité, puis d’étudier les bénéfices et enseignement de leur application. Nos invitées vous partageront ensuite leurs conseils et bonnes pratiques si vous souhaitez vous lancer dans l’aventure !

 

Minh, peux-tu nous expliquer ce qu’est la matérialité ?

MINH TRAN KIM : Il existe deux formats de matérialité.

Tout d’abord, la matérialité simple. Cet exercice interroge les impacts de l’entreprise à 360° sur son écosystème, à travers notamment la conduite d’interviews avec des parties prenantes externes. Il s’agit de prioriser les enjeux, avec l’aide de l’externe.

Les entreprises peuvent également entreprendre une matérialité double, qui leur permettra de s’interroger sur leurs enjeux à un autre niveau. Cet exercice est particulièrement intéressant pour les comités de direction. En effet, il permet d’évaluer les enjeux sur un temps plus long, pouvant aller de 5 ans à 10, 15 voire 20 ans. Il s’agit d’évaluer comment les megatrends environnementales et sociétales pouvant influencer la pérennité de l’entreprise. Une fois les mega-trends identifiés et classifiées, un groupe de travail se réunit pour évaluer l’impact potentiel et la probabilité de l’évènement, permettant de révéler les risques et opportunités.

 

Dans quel contexte vous êtes-vous lancées dans l’exercice de la matérialité ? Qu’est-ce qui vous a poussé à faire cette démarche, pour quelles raisons ?   

CLAIRE MOISON : Le service Développement Durable de Sodebo a été créé en avril 2021, il est donc très récent. Jusqu’alors, aucun diagnostic n’avait été effectué, ni de stratégie établie. Il y avait bien quelques actions mises en place, mais elles n’étaient pas labellisées « développement durable ».

Les premières actions mises en place par le département ont été quelque peu autodidactes : nous avons cherché à établir un état des lieux des avancées et avons conduit une matérialité simple. Après quoi, nous avons ressenti le besoin d’être accompagnés par des experts en stratégie développement durable pour nous aider à construire la stratégie de Sodebo. Nous avons suivi une formation Ecolearn, au cours de laquelle nous avons découvert l’outil de la double matérialité avec HAATCH. Cet outil nous a convaincu pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il donne une vision plus systémique que la matérialité simple, qui était très centrée sur Sodebo. Par ailleurs, il permet de se projeter et de hiérarchiser les problématiques sur le long terme, afin de construire une stratégie pertinente.

MARION PHILLIPS : Chez Evaneos, le concept de RSE existe depuis 12 à 13 ans, mais était principalement centré sur l’aspect touristique. De grandes convictions en interne nous avaient permis d’avancer depuis 10 ans en lien à notre business model. La stratégie Better Trips était déjà fortement établie. Nous avons réalisé notre BIA en 2021, mais nous souhaitions nous engager dans une méthode plus cadrée afin d’aller plus loin en termes de temporalité et d’ambition.

Nous avons également découvert la matérialité lors d’une formation Ecolearn. Avoir recours à cet outil était l’occasion de mettre des mots sur les sujets, d’objectiver nos choix et d’adopter une vision sur le long terme. Notre objectif n’était pas de recommencer le travail déjà accompli avec la stratégie Better Trips, mais plutôt de l’augmenter. Nous avons donc réalisé une matérialité simple pour orienter la stratégie à horizon 2025. Nous prévoyons également d’utiliser la matérialité double à horizon 2030.

 

A quoi cet exercice vous a-t-il servi ? Concrètement, comment allez-vous utiliser les résultats de cette double matérialité ?

CLAIRE MOISON : Pour reprendre les mots de Marion, la matérialité nous a permis d’objectiver nos priorités et nos choix. C’est ainsi que nous avons défini nos 4 axes stratégiques. Nous en avons également profité pour impliquer tous les collaborateurs, dans une logique de faire avec.

En effet, nous avons constitué un groupe de pionniers multi-métiers (achats, qualité, finance, R&D, RH, environnement, marketing, communication). Cette démarche a eu plusieurs avantages. Tout d’abord, elle a cassé l’effet de silo qui peut parfois exister en entreprise, chacun s’est ouvert à des enjeux qui ne le concernait pas directement et donc il n’avait pas nécessairement conscience auparavant. De plus, nous avons ainsi diffuser les enjeux Développement Durable au-delà du service dédié, constituant ainsi une première étape de sensibilisation. Enfin, nous serons peut-être challengés sur les objectifs chiffrés mais pas sur les axes stratégiques car ils découlent tout à fait naturellement de la double matérialité et ils ont été co construits avec les métiers, en étant accompagnés par des experts.

MARION PHILLIPS : La matérialité a également eu de nombreux bénéfices chez Evaneos. Elle a constitué une ouverture sur l’extérieur et a donné plus de billes à nos champions internes pour déployer notre stratégie. De manière générale elle nous a permis de prioriser nos enjeux, de réaffirmer nos ambitions et d’identifier les « trous dans la raquette ».

 

Parlons concret : quels grands enseignements sont ressortis de l’analyse de matérialité (simple et double) ? Des exemples spécifiques à nous partager ?

MARION PHILLIPS : Les réponses ne sont pas toujours celles auxquelles nous nous attendions, nous avons eu des surprises. Nous anticipions par exemple le fait qu’Evaneos se doive de communiquer le message « voyager moins » alors que les parties prenantes ne nous attendaient pas sur cet engagement là (mais plutôt sur « voyager mieux »).

La matérialité a par ailleurs mis en avant le fait que plus les parties prenantes nous connaissent, plus leurs exigences sont élevées.

Nos voyageurs, experts développement durable et nos employés ont de fortes attentes sur les bénéfices aux économies locales, notamment en ce qui concerne les preuves et la mesure d’impact.

CLAIRE MOISON : Les matérialités ont eu trois enseignements principaux. Premièrement, elles ont révélé la fragilité de la chaîne amont de Sodebo. Cela a fait émerger un pilier spécifique sur l’amont, sur nos approvisionnements, qui sont déjà mis à mal aujourd’hui et le seront encore plus demain si nous ne mettons pas en place une véritable stratégie de durabilité. Ces exercices ont par ailleurs été l’occasion d’améliorer nos systèmes de gestion de crise. Le secteur de l’agro-alimentaire connaît et va connaître de plus en plus de crises : comment faire avec au quotidien, et ne plus les considérer comme des situations de crises.  De plus, nous nous sommes rendu compte que les pionniers étaient soulagés de pouvoir soulever les problèmes qu’ils rencontraient dans un cadre d’écoute et de sécurité.

 

Quels sont les facteurs clés de succès pour mener à bien l’exercice de matérialité ? Des bonnes pratiques à partager ?

MARION PHILLIPS : Il faut bien travailler en amont des ateliers, pour qu’ils soient plus efficaces et pertinents. Avant d’initier le travail, nous avions partagé la stratégie définie et les sondages effectués afin de ne pas refaire ce qui avait déjà été fait.

Il est aussi important de donner de la visibilité à la démarche elle-même au sein de l’entreprise. Chez Evaneos par exemple, l’ensemble des collaborateurs a répondu en direct au questionnaire de matérialité. Cela a non seulement engendré un excellent taux de réponse, mais également une meilleure transmission du questionnaire par les collaborateurs au reste des parties prenantes.

Le dernier conseil que je pourrais donner aujourd’hui est de continuer à donner vie au projet et de débriefer en plusieurs étapes. Nous avons par exemple organisé un débrief en plénière pendant notre séminaire en mai pour partager les résultats, suivi d’un « User Corner » en juin avec revue détaillée. Nous avons également prévu de partager à nouveau la double matérialité et la roadmap augmentée à notre comité stratégique à la fin du mois afin d’effectuer une piqure de rappel lors des prises de décision sur le long terme.

CLAIRE MOISON : Il est essentiel de bien choisir son groupe de pionniers : sélectionner des personnes qui aient la capacité de se projeter, d’être dans le temps long, dans la prospective. Mais qui soient aussi capables de réfléchir au-delà de leur périmètre métier habituel. Et enfin, qui puissent demain être de vrais piliers pour déployer la stratégie et le plan d’action dans les différents métiers. C’est création d’un réseau d’appui indispensable !

De la même façon, il est primordial de bien choisir ses consultants. En ce qui nous concerne, nous avions vraiment besoin d’un accompagnement ad hoc, qui puisse coller à notre manière de travailler et à notre culture d’entreprise. HAATCH a vraiment pris soin de s’imprégner de notre culture avant de démarrer les workshops et cela a été très apprécié et ressenti par les pionniers.

Pour finir, il faut bien prendre le temps de comprendre notre chaine de valeur et l’aspect systémique du sujet.

 

Merci beaucoup à toutes les deux pour vos témoignages. Nous avons maintenant le temps pour quelques questions de la salle.

Question : Avez-vous eu des situations de conflit avec le département marketing (qui est habituellement le département privilégié pour les relations avec les clients)

CLAIRE MOISON : Il y a eu une réorganisation interne et le marketing a disparu au profit du service développement durable. Il y aura probablement des trade-off à gérer plus tard mais ce n’est pas encore un sujet

MARION PHILLIPS : L’initiative a été vue comme une approche complémentaire au marketing, une étude de marché. Il a simplement fallu s’assurer que le questionnaire de matérialité n’était pas en conflit avec un questionnaire du marketing

Question : Y a-t-il un nombre de parties prenantes minimum ?

MINH TRAN KIM : Il faut chercher le maximum en termes de quantité par parties prenantes (à partir de 20 par parties prenantes). En interne, il faudrait idéalement que tout le monde réponde. Cependant, il faut limiter le nombre de typologies de parties prenantes pour ne pas se perdre.

Question : Est-ce que ça a permis de faire accepter l’arrêt de la recherche du / des renoncements au profit CT par le CODIR ?

MARION PHILLIPS : Nous n’avons pas entamé de fermeture de destinations pour l’instant. Nous réfléchissons plutôt à la manière d’accompagner les agences dans la mesure de l’impact. Cela dit, il nous arrive de rompre des contrats avec certaines agences, si celle-ci ne correspond pas aux critères Evaneos et ne souhaite pas y remédier.

Question : Quel impact sur la vision LT, la mission de l’entreprise ?

CLAIRE MOISON : Je vais présenter la démarche au CODIR à la fin du mois mais j’espère !

Question : La matérialité simple se conduit seule : est-ce que l’accompagnement est essentiel pour la double matérialité ?

CLAIRE MOISON : Un grand oui ! Être accompagné permet d’avoir une méthodologie solide, cela apporte de la crédibilité à la démarche, ainsi que des connaissances et une expertise essentielles. C’est particulièrement utile pour l’identification et l’évaluation des megatrends.

 

Le cabinet HAATCH remercie Marion Phillips et Claire Moison pour leur participation à ces conférences et pour leurs retours d’expérience précieux. L’intégralité de la conférence est à retrouver en audio ci-dessous.

 

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