Lors du salon Produrable 2023, HAATCH a eu le plaisir de conduire trois conférences sur les thèmes suivants : « RSE et luxe : partage d’expérience de ceux qui travaillent à la transformation de leurs Maisons », « Quand la double matérialité devient un outil stratégique : partage d’un retour d’expérience concret” et enfin, « Déploiement de sa stratégie RSE : et s’il était surtout question de gouvernance?« .

Lors de cette dernière conférence, Géraldine Olivier, Directrice RSE du Groupe FNAC DARTY, a partagé ses connaissances aux côtés de Minh TRAN KIM, Directeur Associé chez HAATCH.

Lors de cette discussion, nous avons examiné les facteurs qui facilitent ou entravent la mise en œuvre réussie de la stratégie RSE, ainsi que la manière d’impliquer les équipes et les collaborateurs et collaboratrices pour établir une gouvernance RSE solide et efficace. Géraldine Olivier nous a également fait part des bonnes pratiques à suivre en ce qui concerne la gouvernance RSE.

Tout d’abord, commençons par quelques chiffres clés qui mettent en évidence deux faiblesses de la gouvernance RSE telle qu’on la connaît aujourd’hui :

 

Minh TRAN KIM : Le constat préliminaire que nous avons établi, à travers notre enquête menée dans le cadre de la réalisation de notre guide de la gouvernance RSE, est que, bien que la RSE soit intégrée dans la plupart des entreprises, elle n’est pas prioritaire.

En effet, près de 100 % des entreprises prétendent avoir une feuille de route RSE, mais lorsque l’on demande aux collaborateurs de noter sur une échelle de 1 à 10 à quel point ils jugent la RSE comme prioritaire dans la stratégie de l’entreprise, on n’obtient seulement la note de 3 sur 10.

Cela est dû à deux faiblesses principales de la gouvernance RSE des entreprises aujourd’hui :

  1. L’absence de déploiement d’un réseau d’ambassadeurs internes : moins d’un tiers des entreprises ont des référents RSE dans chaque département, seules 37 % ont créé des communautés de collaborateurs volontaires, et seules 38% ont mis en place des groupes de travail dédiés.
  2. Le manque d’incitation, de motivation des collaborateurs de l’entreprise à intégrer la RSE à leur métier : seules 28 % ont aligné les objectifs RSE sur les objectifs commerciaux.

Il est essentiel de sensibiliser les comités de direction à la RSE en tant que pilier stratégique, nécessitant des ressources et des moyens. Deux bonnes pratiques observées chez Fnac Darty sont la mise en place d’un solide réseau interne pour travailler et déployer sa feuille de route RSE et la stimulation des équipes grâce à des incentives parlant aussi bien au cerveau droit qu’au cerveau gauche.

 

Avant de commencer Géraldine, pourrais-tu nous faire un état des lieux de la stratégie RSE du groupe FNAC DARTY à ton arrivée au poste de directrice RSE en 2021 ?

 

Géraldine Olivier : En 2021, Fnac Darty a intégré de manière significative la RSE dans sa stratégie globale. La RSE est devenue l’un des piliers du plan stratégique de l’entreprise, appelé « everyday ». Ce plan se concentre sur la durabilité, en mettant l’accent sur l’allongement de la durée de vie des produits, ce qui est crucial pour réduire le bilan carbone de l’entreprise. La stratégie RSE de Fnac Darty comprend cinq piliers centrés sur la préservation du climat, le capital humain, l’éthique des affaires, les territoires et la culture.

Les objectifs que nous nous sommes fixés sont chiffrés pour ces piliers, tels que l’augmentation de la représentation des femmes dans les équipes dirigeantes à 35 % d’ici 2025 (actuellement à 30,3 %), la réparation de 2,5 millions de produits d’ici 2025 (actuellement à 1,9 million), et l’objectif de 2 millions d’abonnés à Dartymax, un service d’abonnement à la réparation illimitée. De plus, nous visions de réduire les émissions de CO2 de 50 % d’ici 2030 par rapport à 2019, couvrant les émissions des scopes 1, 2 et une partie du scope 3.

Cette intégration de la RSE dans le plan stratégique montre que la RSE est désormais un aspect essentiel du modèle d’affaires de Fnac Darty, avec des indicateurs de performance clés (KPIs) liés à la RSE directement inclus dans les KPIs de l’entreprise. La RSE est ainsi devenue un élément indissociable de la stratégie commerciale de l’entreprise.

Peux-tu nous expliquer très concrètement quels comités ont été établis et comment ils fonctionnent ? De plus, quelles sont les astuces ou bonnes pratiques que tu souhaiterais nous partager?

 

Bien sûr. Alors avant tout, il faut être clair : on ne fait pas de la comitologie pour faire la comitologie et se faire plaisir. Tous ces comités existent afin de s’assurer que le groupe respecte bien notre feuille de route et mène les actions concrètes nécessaires pour atteindre nos objectifs.

Chez Fnac Darty, nos comités sont organisés comme suit :

  1. Comité de direction (Conseil d’administration) : il comprend le PDG, la secrétaire générale du groupe, moi-même (directrice RSE du groupe) et quatre administrateurs responsables des questions liées à la RSE. Ce comité se réunit trois fois par an pour discuter de la stratégie RSE, des feuilles de route et pour recevoir des retours et suggestions des administrateurs.
  2. Comités opérationnels : plusieurs comités opérationnels se concentrent sur des domaines spécifiques de la RSE, tels que la durabilité, l’économie circulaire, l’éthique, et des sujets plus génériques. Chacun de ces comités comprend des référents issus des différentes filières et fonctions de l’organisation, chargés de partager la stratégie RSE, de l’infuser au cœur de l’entreprise et de développer des feuilles de route adaptées à leur domaine.
  3. Comités RSE internationaux : En raison des activités du groupe en Europe (Belgique, Espagne, Suisse, Portugal), il existe également des référents RSE internationaux pour coordonner les initiatives RSE dans ces pays.
  4. Comité climat : Le comité climat se concentre sur les questions de décarbonation. Il est dirigé par la secrétaire générale du groupe et le responsable des opérations. Les directeurs et gestionnaires des filières liées au transport, à la logistique et à la livraison du dernier kilomètre y participent. Les principaux sujets abordés incluent la réduction des émissions de carbone, la trajectoire de décarbonation, et l’échange sur les feuilles de route de chaque filière.

Il est important de noter que tous ces comités sont supervisés par un ou plusieurs membres du COMEX (Comité Exécutif) du groupe, ce qui assure une implication de haut niveau. De plus, les invitations à ces comités émanent de l’agenda des membres du COMEX, ce qui renforce l’engagement et la mobilisation des participants.

Comment vous assurez-vous que tous restent informés, y compris la direction, malgré le grand nombre de comités, la fréquence des réunions, et la présence des membres du COMEX, en tant que sponsors, afin d’obtenir une vision globale de l’ensemble des sujets et de maintenir une communication efficace au sein de l’organisation ?

 

Les membres du COMEX impliqués dans ces comités ont un accès direct à l’information, ce qui facilite la prise de décisions rapides, notamment sur des sujets tels que l’investissement dans des véhicules électriques pour verdir la flotte.

Pour des sujets plus complexes nécessitant une mobilisation générale et impliquant diverses entités, les membres du COMEX ou leurs équipes interviennent régulièrement pour présenter ces sujets lors des réunions du COMEX.

De plus, le comité RSE inclut des référents RSE dans chaque filière et fonction de support, et chaque année, ces référents présentent leurs feuilles de route RSE lors d’une réunion du COMEX dédiée. Cela permet de partager efficacement les feuilles de route avec l’ensemble des membres du COMEX.

Quels conseils pour animer efficacement ces comités, étant donné que vous mobilisez des référents et des participants qui y consacrent leur temps ? Comment réussir dans cette gestion de communauté et assurer le bon déroulement des réunions ?

Alors l’animation de ces communautés RSE chez Fnac Darty implique de :

  1. Incarner la RSE : les comités RSE ne se limitent pas à des discussions abstraites, mais cherchent à rendre la RSE concrète. Par exemple, en organisant des réunions au sein d’ateliers ou en visitant des magasins pour montrer comment la seconde vie et la réparation sont mises en œuvre au quotidien.
  2. Faire le lien entre la stratégie et la réalité : les membres des comités sont encouragés à comprendre comment la RSE peut avoir un impact concret sur l’entreprise. Cela inclut des avantages pour la planète, mais aussi des avantages pour les profits de l’entreprise et la satisfaction client.

L’objectif est de ne pas se limiter à des discussions théoriques, et bien de montrer comment la RSE peut être bénéfique à la fois pour l’entreprise et pour la planète, en mettant en pratique les actions et en rendant les membres des comités plus proches de la réalité opérationnelle.

Maintenant, pour répondre à la seconde faiblesse précédemment identifiée aujourd’hui dans la plupart des gouvernances RSE, comment vous réussissez à inciter vos équipes à pleinement intégrer la RSE dans leur quotidien ?

 

Nous incitons nos collaborateurs en intégrant des objectifs de RSE dans leurs plans de rémunération variable. L’intégration de ces objectifs RSE dans la stratégie globale de l’entreprise a facilité cette transition. Actuellement, 10 % de la rémunération variable des employés est liée à des objectifs de RSE, ce qui est significatif en termes d’incitatifs.

Cette année, une nouvelle approche a été mise en place pour rendre la RSE plus concrète. Les référents RSE travaillent avec leur comité de direction pour déterminer les critères spécifiques qui seront pris en compte dans la rémunération variable, en fonction de leur domaine d’activité. Par exemple, ces critères peuvent inclure des objectifs liés à la féminisation du personnel, la décarbonation ou la réduction des interventions inutiles en réparation, en fonction des réalités opérationnelles de chaque direction.

Sur les 10 % de la rémunération variable, 5 % sont attribués en fonction de ces critères spécifiques élaborés avec les comités de direction, tandis que les 5 % restants sont liés à des objectifs ambitieux de sobriété énergétique au niveau du groupe, visant à réduire la consommation électrique de 15 % d’ici 2024. Cette approche aligne les incitatifs avec les objectifs concrets de RSE de l’entreprise.

 

Merci beaucoup à Géraldine pour son témoignage instructif. Nous avons maintenant le temps pour quelques questions de la salle.

Question : Comment avez-vous choisi vos référents RSE ?

Géraldine Olivier : Les référents RSE ont été choisis soit par désignation par un membre du COMEX, soit par des volontaires au sein d’une direction.

Question : Comment vous assurez-vous que les personnes affectées à la RSE ne soient pas submergées par des tâches supplémentaires ?

Géraldine Olivier : Le temps attribué aux missions RSE n’est pas prédéfini dans un calendrier spécifique. La RSE est intégrée dans la stratégie de l’entreprise, et les référents RSE la considèrent comme faisant naturellement partie de leur quotidien. Il est essentiel que la RSE fasse partie de la stratégie globale de l’entreprise et soit intégrée dans les objectifs de chacun. Il s’agit d’une approche plus cohérente que de simplement ajouter des tâches supplémentaires.

Question : Comment gérer les échanges musclés avec les fournisseurs pour améliorer la réparabilité et la durabilité des produits que vous vendez ?

Géraldine Olivier : Les échanges musclés avec nos fournisseurs se basent sur un outil appelé « score de durabilité », qui évalue la fiabilité et la réparabilité des produits. Ce score est utilisé pour animer les discussions avec nos fournisseurs et mettre en avant les améliorations nécessaires. Par exemple, nous avons encouragé un de nos fournisseurs de tablettes à rendre les batteries remplaçables au lieu d’être collées, ce qui a amélioré sa notation de réparabilité. Cela montre l’engagement de l’entreprise à intégrer des critères de durabilité dans la conception de leurs produits.

 

Le cabinet HAATCH remercie Géraldine Olivier pour sa participation à cette conférence et pour son retour d’expérience précieux. L’intégralité de la conférence, à retrouver ICI.

Et retrouvez le témoignage et les conseils pratiques de Géraldine Olivier et d’autres professionnels, dans notre guide de la gouvernance RSE, à télécharger ICI

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